Si le mot est récent, l'entreprise, elle, est plus ancienne. La théodicée désigne tout simplement un raisonnement philosophique pour résoudre un problème épineux : la contradiction apparente entre l'existence de Dieu et l'existence du mal.
Le sens du mot :
"Littéralement, une "justification de Dieu", supposé omnipotent et parfaitement bon, pour avoir permis l'apparition du mal, par exemple la douleur et d'autres souffrances."
C'est ainsi que Richard Swinburne, un philosophe anglais, définit la théodicée dans son article "Theodicy" du Companion to Metaphysics. Richard Swinburne fait partie des philosophes contemporains qui proposent unethéodicée.
Le mot théodicée est d'apparition récente dans l'histoire de la philosophie, puisque c'est le philosophe allemand Leibniz (1646-1716) qui le forge à l'occasion de la parution de ses Essais de Théodicée, sur la bonté de Dieu, la liberté de l'homme et l'origine du mal, en 1710. Il invente ce mot en fusionnant deux mots grecs : theos, qui signifie Dieu, et dikè, qui signifie justice. La théodicée est le plaidoyer que fait le philosophe en faveur de Dieu, au procès où l'on accuse ce dernier d'avoir permis l'existence du mal : son avocat le justifie par un plaidoyer philosophique qui le lave de tout soupçon.
Le problème :
Si le mot est récent, le problème est ancien. Lactance (260-325 env.), un auteur chrétien, attribue à Epicure (342-270 av. J.-C.), philosophe grec, la formulation du problème :
"Dieu, ou bien veut supprimer les maux et ne le peut ; ou bien le peut et ne le veut ; ou bien il ne le veut ni ne le peut, ou bien il le veut et le peut. S'il le veut et ne le peut, il est faible, ce qui ne peut échoir à Dieu ; s'il le peut et ne le veut, il est malveillant, ce qui également étranger à Dieu ; s'il ne le veut ni ne le peut, il est à la fois malveillant et faible, et partant n'est pas Dieu ; s'il le veut et le peut, ce qui seul convient à Dieu, quelle est donc l'origine des maux, ou pourquoi ne les supprime-t-il pas ?" Lactance, De ira Dei, §13
Cette formulation du problème est désormais devenue classique. Remarquons que "Dieu" ici ne désigne pas nécessairement le Dieu chrétien, puisqu'Epicure n'était en aucun cas chrétien, ayant vécu au IIIe siècle avant Jésus-Christ.
1°) Dieu a la volonté de supprimer le mal, mais ne le peut pas : cela signifie qu'il n'est pas tout-puissant, ce qui est contradictoire avec l'idée qu'on se fait de Dieu.
2°) Dieu a le pouvoir de supprimer le mal, mais il ne le veut pas : cela signifie qu'il n'est pas bon, ce qui est contradictoire avec l'idée qu'on se fait de Dieu.
3°) Dieu ne veut pas supprimer le mal et il ne le peut pas : on cumule tout simplement la 1°) et la 2°), et cela est toujours contradictoire avec l'idée qu'on se fait de Dieu.
4°) Dieu veut supprimer le mal et il peut le supprimer : mais alors, pourquoi le mal existe-t-il ?
Quelle que soit l'option choisie, chacune tend à faire de l'existence du mal un argument contre l'existence de Dieu, ou du moins contre l'existence d'un Dieu bon ou tout-puissant. Autrement dit, l'existence du mal serait une objection puissante contre la foi, et un argument en faveur de l'athéisme.
La réponse :
Le philosophe qui propose une théodicée prend donc la défense de Dieu face à ces attaques, en montrant que l'existence du mal n'est pas incompatible avec l'existence d'un Dieu parfaitement bon et tout-puissant. Je ne développerai pas dans cet article les différents arguments possibles : il y en a tellement selon les philosophes, que je consacrerai plutôt une présentation à chacun. Je ferai d'ailleurs de même avec ceux qu'on nomme les anti-théodicistes, c'est-à-dire les philosophes qui critiquent les tentatives de théodicée. Evoquons simplement quelques philosophes de référence quand on parle de théodicée :
- Augustin d'Hippone (354-430), dans L'ordre et Le Libre arbitre
- Malebranche (1638-1715), dans le Traité de la nature et de la grâce (1680) et les Entretiens sur la métaphysique et sur la religion (1688)
- Leibniz (1646-1716), dans Essais de Théodicée (1710)
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