Les théistes affirment qu'il existe des preuves de l'existence de Dieu. Des philosophes athées les réfutent. De quoi parle-t-on quand on parle de "preuves de l'existence de Dieu" ?
Des arguments plus que des preuves :
Tout d'abord, il faut préciser ce que l'on entend par "preuve". En effet, il ne s'agit pas de preuves au sens juridique ou scientifique du terme. Une preuve scientifique consisterait en une démonstration rigoureuse (de type mathématique) ou en un protocole expérimental échouant à invalider telle ou telle hypothèse (comme en physique, en chimie). Ce type de preuves n'est pas possible au sujet de Dieu : on ne peut ni faire une démonstration mathématique, ni mettre en place un protocole expérimental pour constater son existence.
Il serait donc plus exact de parler d'arguments en faveur de l'existence de Dieu. Thomas d'Aquin, dans sa Somme de théologie, parle de "voies" empruntées par la raison humaine. Il existe une branche de la philosophie, la métaphysique, qui s'intéresse à des concepts qui dépassent (le grec meta signifie "au-dessus") le domaine du monde physique, tels que Dieu, l'âme, la liberté. On appelle théologie philosophique la discipline qui tente, avec le seul recours de la raison, d'élaborer des raisonnements logiques menant à l'affirmation que Dieu existe. On peut la subdiviser en théologie naturelle, qui part de constats sur le monde pour en conclure que Dieu existe, et en théologie rationnelle, qui part de la définition de Dieu pour en conclure son existence. Mais cette subdivision n'est pas déterminante : les termes "théologie naturelle" et "théologie rationnelle" sont interchangeables. Son ancienneté est celle de la philosophie, puisqu'on trouve déjà des tentatives de preuves chez les philosophes grecs de l'Antiquité (Platon ou Aristote, par exemple).
Les arguments a posteriori de la théologie naturelle :
Un argument a posteriori signifie que l'on part des données de l'expérience pour construire un argument. On élabore ainsi un raisonnement de type inductif : on remonte de l'expérience à une vérité qui permet d'expliquer cette expérience. On distingue traditionnellement deux arguments a posteriori de l'existence de Dieu : l'argument physico-théologique (ou téléologique) et l'argument cosmologique.
L'argument physico-théologique :
Aussi appelé téléologique, du grec telos : la fin, parce qu'il part de la considération de l'agencement de la nature, de son ordre, de son ajustement apparemment exceptionnel qui permet le développement de la vie. Le monde se présente à nous sous la forme d'une nature organisée, fonctionnant selon des lois stables. Il tente de montrer que cet arrangement extraordinaire ne peut avoir pour origine des causes mécaniques, purement naturelles, mais que cette origine doit être un être intelligent. Donc Dieu existe.
L'argument cosmologique :
Cet argument part du constat de la contingence du monde (le grec cosmos est pris ici au sens de monde au sens large). C'est pourquoi on l'appelle aussi argument a contingentia mundi. Que signifie que le monde est contingent ? Cela veut dire qu'il aurait pu être autrement, voire qu'il aurait pu ne pas être. Cet argument tente de montrer que ce qui existe a besoin d'une cause pour exister, et que cette cause ne peut être naturelle, mais qu'elle doit nécessairement être surnaturelle. Il faut donc chercher hors du monde sa raison d'être ainsi et pas autrement. On en conclut qu'il existe un créateur intelligent du monde qui a décidé de le faire advenir à l'existence, et de le faire de cette façon. Donc Dieu existe.
Les arguments a priori de la théologie rationnelle :
Un argument a priori signifie que l'on se place en amont de toute expérience, avant toute expérience. On part de l'idée de Dieu telle qu'elle se présente à notre esprit, et on en infère son existence. On pourra ainsi dire que Dieu est conçu comme un être parfait. Or, on ne peut concevoir un être parfait pour lequel l'existence ne serait pas nécessairement incluse dans sa définition, puisque cela serait une imperfection. Donc Dieu existe.
Kant a nommé cet argument "ontologique", du grec ontos : l'être (ici l'être de Dieu). C'est particulièrement ce dernier argument qui a fait coulé beaucoup d'encre philosophique depuis des siècles, tant du côté des philosophes tentant de donner une version valide de cet argument, que du côté des philosophes tentant de les réfuter.
Je me propose d'entrer dans le détail de tel ou tel argument, et de sa formulation donnée par tel ou tel philosophe, dans des articles dédiés, pour ne pas alourdir ce post.
Les arguments contre l'existence de Dieu :
Tout comme il existe une théologie philosophique, il existe une athéologie philosophique. L'athéologien, par le recours de la raison, réfute les arguments en faveur de l'existence de Dieu. L'un des arguments les plus invoqués est celui du mal. Dieu étant défini comme tout-puissant et parfaitement bon, le mal ne devrait pas exister. Or il y a du mal. Donc Dieu n'existe pas (ou alors il n'est pas tout-puissant, ou pas parfaitement bon, ce qui dans les deux cas contredit la conception théiste de Dieu). C'est pour répondre à cet argument du mal que les philosophes élaborent des théodicées.
Références :
Paul Clavier, Qu'est-ce que la théologie naturelle ? Vrin, 2024
Comentários